La menace des campagnols
Dans le secteur du Lautaret, deux espèces de campagnols représentent une menace pour le Jardin botanique et les zones expérimentales :
- Le campagnol des champs (Microtus arvalis Pallas) : naturellement présent dans les pelouses rases du col du Lautaret, il se rencontre aussi dans les forêts clairsemés et les accotements des chemins. C’est un petit rongeur (de 8 à 12 cm de long, plus une queue de 2 à 4 cm, pour un poids de 15 à 50 g), dont le pelage du dos est brun jaunâtre à brun roussâtre, celui du ventre blanc grisâtre. La tête est arrondie, assez volumineuse, les oreilles sont légèrement velues à l’intérieur, courtes, mais émergents du pelage. Il creuse des galeries très ramifiés, ayant de nombreuses issues reliées entre elles par des coulées bien visibles dans l’herbe. La fraîcheur des indices est matérialisée par des crottes cylindriques de couleur noire à verdâtre le long des coulées. C’est avant tout un herbivore qui consomme graminées, pousses et racines, graines, bulbes, mangeant 2 fois son poids en matière verte par jour. La maturité sexuelle est atteinte à 1 mois, la femelle faisant 1 à 5 portées (de 1 à 10 petits, plus fréquemment 3 à 6) de mars à octobre (parfois l’hiver si les conditions sont favorables), la gestation dure 3 semaines. La longévité est de 1 à 3,5 mois suivant la période de naissance, mais n’excède jamais 12 mois. Au Jardin, nous avons constaté une augmente de la population et des dégâts depuis 2007, particulièrement dans les rocailles de plantes en coussins. En 2009, au plus fort de la pullulation, on estime à près de 300 le nombre d’espèces végétales ayant été détruites dans le jardin.
- Le campagnol terrestre (Arvicola terrestris Scherman) : depuis 1998, Arvicola terrestris est en phase de pullulation dans les prairies du canton de La Grave et Villar d’Arène, où il provoque d’importants dégâts dans les prairies pâturées et fauchées. C’est un rongeur qui mesure entre 12 et 22 cm (tête et corps) avec une queue de 6 à 11 cm, pour un poids de 80 à 180 g. Son pelage est brun roussâtre dessus, passant au gris jaunâtre sur le ventre. La tête est arrondie, avec une attache tête et corps peu marquée, des yeux bruns et petits, des oreilles courtes. Il creuse ses galeries à l’aide de ses incisives, repoussant la terre derrière lui avec ses pattes et l’expulsant sous forme de tumulis (de 15 à 25 cm de diamètre, de 5 à 10 cm de hauteur). Les niveaux de galeries peuvent atteindre 1 m de profondeur. C’est un herbivore dont la consommation quotidienne équivaut à son poids en racine, de préférence charnues, type pissenlits, légumineuses, bulbes et rhizomes. Il ne boit pas. La maturité sexuelle est atteinte à 2 mois, la femelle faisant 5 à 6 portées (de 2 à 8 petits) d’avril à octobre, la gestation est de 21 jours. La longévité est de 6 à 8 mois. Le campagnol terrestre est classé comme espèce nuisible (arrêté du 31 juillet 2000, annexe B : « Liste des organismes contre lesquels la lutte est obligatoire sous certaines conditions »).
Détails de l’opération de sauvetage du Jardin du Lautaret et des zones expérimentales menée en 2009
En 2009, au vu de l’avancée des campagnols terrestres dans les secteurs jouxtant le col (plaine des Ruilles) et des dégâts constatés du campagnol des champs dans le jardin au sortir de l’hiver, une réunion est organisée avec Eric Vannard (garde-moniteur au Parc National des Ecrins, responsable du secteur du Lautaret) et Denis Truchetet (Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt Franche-Comté). Il est décidé une grande opération pour mettre en place une barrière de protection autour du jardin, sur une longueur de 900 m. Cette barrière doit empêcher les campagnols de pénétrer dans l’enceinte du Jardin. Un grillage a été enfoui à 40 cm de profondeur, dépassant de 30 cm, renforcé par des grilles de fer à béton afin qu’il résiste au poids de la neige. Un rabat de 10 cm a été fait, pour empêcher les campagnols de pouvoir l’enjamber. Le coût de cette opération est estimée à 20k€, financée par le Conseil Général des Hautes-Alpes (7,5 k€), la Région PACA (3 k€), l’Université Joseph Fourier et le CNRS. C’est l’ensemble des permanents et des stagiaires du jardin, avec l’aide des stagiaires du Laboratoire d'Ecologie Alpine (LECA) de l'université de Grenoble, pour un total d’environ 80 journées de travail/homme, qui ont oeuvré à la mise en place de cette barrière durant le mois de juillet 2009. Parallèlement, des pièges de type « goulotte » (photo) furent installés autour de cette barrière, pour mener une campagne de piégeage intensif. Des pièges de type « INRA » furent aussi installés dans le jardin. Une cartographie de la présence du campagnol terrestre a aussi été effectuée dans le secteur du col du Lautaret. En septembre, une campagne de gazage a été menée dans les secteurs les plus touchés du jardin.
Situation à l’été 2010
Malgré un hiver assez neigeux et long, la barrière n’a subit aucun dégât et n’a pratiquement pas bougé. Dès l’installation des permanents du jardin (fin mai), le piégeage à repris. Pour juin et juillet, la présence d’un stagiaire BTS Gestion et Protection de la Nature (Germain Macabiés) a permis de mettre en place une surveillance et un piégeage intensif autour de la barrière, dans le jardin, mais aussi de continuer la cartographie de la présence du campagnol terrestre dans le secteur du col du Lautaret. Un protocole scientifique de suivi de l’efficacité de la barrière a aussi été mis en place, en partenariat avec Patrick Giroudoux (Université de France-Comté). En effet, jusqu’à présent, aucune expérience à cette échelle (900 m de barrière) n’avait été mise en place. Les campagnols, quant à eux, sont assez peu présents pour l’instant. Le campagnol des champs est assez peu actif et la population de campagnol terrestre n’a pour l’instant (août 2010) pas explosée autour du jardin, même si sa présence dans les plaines aux alentours s’est renforcée.
Mis à jour le 12 novembre 2024